Pour quelqu’un qui avait désiré beaucoup d’enfants, il était étonnant que je ne me réjouisse pas pour ma troisième grossesse. J’étais confuse du fait de mes sentiments. Mes deux premières grossesses n’avaient certes pas été très agréables mais elles s’étaient passées sans difficultés et il n’y avait donc pas de vrais raisons pour que j’aie peur de la troisième. Mais voilà que je considérais les femmes enceintes comme atteintes d’une sorte de lèpre ou de maladie en phase terminale. Pourquoi quelqu’un choisirait-il d’être enceinte ? Cela me travaillait souvent. Mais je pensais aussi qu’il valait mieux que je m’y mette. Mon deuxième enfant aurait quatre ans lorsque mon troisième naîtrait. Il était donc plus que temps, n’est-ce pas ?

Je n’avais pas plus tôt passé un test de grossesse que les choses ont commencé à mal tourner. Je vais vous raconter, avec gratitude, que j’ai eu beaucoup de chance. Ce n’est pas une histoire de complications engageants le pronostic vital mais plutôt celle d’un renoncement à sa propre volonté en faveur de quelqu’un d’autre – dans ce cas précis, en faveur de mon bébé. Ainsi, au deuxième mois de ma grossesse, je donnais l’impression d’en être au cinquième… Au quatrième mois, mes hormones se sont emballées et j’ai plongé d’une falaise émotionnelle dans les abîmes insondables de la dépression. Le Seigneur a été généreux envers moi en ne me donnant que des épreuves très courtes pour faire grandir mon sens de la compassion. Cette dépression n’a en effet duré qu’une semaine. Je suis donc bien loin de pouvoir comprendre ceux qui subissent des dépressions cliniques.

Au quatrième mois et demi, j’avais besoin de béquilles. Un excédent en hormone Relaxine, dont le rôle est de détendre les tissus, avait produit un trop grand relâchement de mes articulations. J’avais des difficultés pour passer de la position assise à la position debout et de la position couchée à la position assise. Je ne pouvais marcher que sur quelques petits mètres. Au sixième mois, on avait l’impression en me voyant que j’avais dépassé mon terme. Une radiographie n’a montré qu’un enfant ; il n’y avait pas de jumeaux. Et pourtant, j’étais aussi « large » que « haute ». Un jour, vers le sixième mois, mes hanches tenaient à nouveau. Je me suis réjouie. Je me suis dit « Allons faire un tour ! » Je me suis « dandiné » le long de la rue commerciale de notre ville et j’ai croisé le regard d’une charmante dame qui se trouvait quelques pas plus loin. Son attitude neutre s’est soudain transformée en une pitié exacerbée lorsqu’elle se dirigea dans ma direction, en disant : « Ow, ow… » Lorsque elle passa à ma hauteur, des larmes coulaient à ses yeux. Elle plaça une main sur mon épaule et l’autre sur mon ventre en gémissant : « Oh, owww…. » (Ce qui signifiait « Oh, pauvre, pauvre créature que vous êtes… ») Elle s’éloigna en me saluant avec affection. J’étais anéantie, moi qui pensais que j’allais à présent si bien ! J’ai donc finalement décidé de rentrer à la maison.

Vers cette époque, le bébé commença à manifester sa vraie personnalité. Il me fit terriblement souffrir. Pour autant que je sache, les bébés n’ont pas d’objets avec eux dans l’utérus. Et pourtant, celui-ci semblait avoir hache et marteau ! La nuit, j’étais couchée sur le canapé et je gémissais pendant qu’il faisait des culbutes et maniait ses armes… Est-ce qu’il s’emparait de mes organes internes ? J’aurais juré qu’il le faisait. Une nuit, mon mari eut pitié de moi et vint à côté de moi dans le salon pour me donner une bénédiction de la prêtrise.

Christus-mormonNous sommes des membres de l’Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours, que l’on appelle souvent à tort l’Eglise mormone. C’est le rétablissement complet de l’Eglise primitive du Christ et ainsi un prophète et des apôtres se tiennent à sa tête. Comme dans l’Eglise du Christ des temps anciens, ceux à qui le Christ a donné le pouvoir de Sa prêtrise peuvent guérir en Son nom. Il n’y a pas de clergé professionnel et comme c’était le cas dans les temps anciens, tout homme digne appelé de Dieu peut détenir ce pouvoir et cette autorité. Mon mari en fait parti. Il a eu la capacité de bénir son épouse et ses enfants par l’imposition des mains pour impartir réconfort, prophétie et guérison, selon la volonté du Seigneur.

La bénédiction commença ainsi : « Le Seigneur comprend ta douleur. »

J’étais une femme enceinte, grosse, soumise à la douleur et portant son fardeau. Mais le Seigneur comprenait parfaitement. D’une certaine manière, la souffrance inconcevable qu’Il vécut à Gethsémané et sur la croix lui permet de comprendre même cela : le malaise de Sa fille. Cela m’a immédiatement rendue humble. La douleur ? Quelle douleur ? Qu’importe. Tu as d’autres enfants qui connaissent des douleurs autrement plus fortes. Secours-les ! C’étaient mes pensées alors que j’étais touchée par Sa compassion infinie et Son respect pour ce que je vivais.

Puis, Il me dit qu’il n’y avait rien qu’Il puisse faire.

Mes émotions prirent un autre cours. Comment cela, rien ? Il m’expliqua que c’était la nature de l’enfant et que je devrai l’élever dans un esprit de prière. Quelle intéressante perspective…

Ce petit garçon naquit une semaine en retard, éternuait comme quelqu’un de soixante ans et se retournait dans tous les sens alors qu’il avait trois semaines. C’était un bambin brillant, rebelle et fatiguant, quelqu’un de colérique qui frappait sa tête contre le mur lorsqu’il était frustré. Mais il devenait de plus en plus heureux avec chaque jour où il apprenait à maîtriser un peu mieux son environnement. Il a 38 ans maintenant, a un Master, une carrière couronnée de succès et sa propre famille. Il avait un tel désir de développer ses talents ! Il écrit, c’est un artiste, il chante, il danse, il lit des livres compliqués, il n’y a pas grand-chose qu’il ne puisse faire. Ce qu’il y a de mieux, à mon avis, c’est qu’il ne fut pas un adolescent rebelle ; il fit grandir sa foi en Dieu et servit une mission mormone honorable. Il continue à présent en dirigeant sa famille avec droiture.

J’ai beaucoup appris grâce à cette épreuve. Premièrement, que Dieu comprend notre douleur, quelle qu’elle soit. Deuxièmement, j’avais dit au Père Céleste que je voulais faire sa volonté en tout. Dieu nous donne notre libre-arbitre, mais Il permit au libre-arbitre de cet enfant particulier de dominer le mien. Je m’offris volontairement pour être l’instrument par lequel cet enfant pourrait commencer son parcours terrestre. Alors qu’il se développait, je fis tout ce qui était en mon pouvoir pour l’aider à contrôler sa vivacité et à l’employer à bon escient, à développer ses talents et à utiliser son remarquable intellect. Parfois, il arrive que les besoins d’un individu prennent le pas  sur la volonté d’une autre dans le Plan que le Père a pour nous. Si nous le permettons – parce que nous réalisons que Dieu bénit quelqu’un d’autre à travers nous – cela nous sanctifie.

Ressources supplémentaires :

les croyances mormones de base et les vrais Mormons

Davantage de croyances mormones

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